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 Les repères de l'éducation dans la civilisation musulmane I

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RACHTOK
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RACHTOK


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MessageSujet: Les repères de l'éducation dans la civilisation musulmane I   Les repères de l'éducation dans la civilisation musulmane I EmptySam 19 Nov à 2:28

Introduction

Tenter en quelques pages un survol de l'histoire de l'éducation dans la civilisation islamique, depuis le temps du Prophète jusqu'à l'aube du XXe siècle, n'est pas une chose aisée. Il n'est certainement pas possible d'être complet dans cet exercice. Nous tâcherons de mettre en évidence les grandes lignes de cette histoire en soulignant l'évolution des institutions éducatives musulmanes à travers les siècles. L'histoire de l'éducation et des institutions éducatives dans la civilisation islamique peut être subdivisée en deux périodes majeures, la période avant l'apparition des madrasa et l'ère des madrasa. Nous allons les parcourir successivement mais commençons par définir le statut de l'éducation et des sciences dans l'islam.

Selon la religion musulmane, l'apprentissage et l'étude des sciences sont des obligations pour les musulmans des deux sexes. Mais cela demande à être nuancé. Cette obligation concerne un niveau minimum de connaissances qui permettent de mener la vie de tous les jours et de pratiquer quotidiennement le culte islamique. Par exemple, un(e) musulman(e), qui n'est pas chimiste ou biologiste, n'est pas nécessairement tenu(e) de savoir les fondements de la chimie ou de la biologie, mais il (elle) se doit de connaître les principes élémentaires de la protection de l'environnement immédiat, de l'hygiène corporel et domestique. En ce qui concerne la pratique du culte proprement dit, l'enfant musulman ne doit pas savoir faire la prière avant l'âge de la pureté. Une fois pubère, il doit l'apprendre et la pratiquer. Un célibataire ne doit pas connaître les préceptes de la religion concernant le mariage, mais avant de se marier il doit commencer à les apprendre. Un pauvre ne doit pas connaître les principes du versement de lazakât, l'aumône légal que doit s'acquitter annuellement tout musulman aisé. L'acquisition de savoirs qui dépassent un niveau de besoins pragmatiques et immédiats des fidèles est hautement conseillée mais pas obligatoire.

Cependant le métier de savant ou de scientifique en soi est bien considéré par l'islam. En dehors de la pratique obligatoire du culte, les activités d'étude et de recherche scientifiques sont celles qui ont le plus de valeur aux yeux de la religion. Une fois qu'un musulman s'est acquitté de ses devoirs cultuels quotidiens, s'il veut continuer dans la voie d'Allah une des meilleures choses qu'il peut faire c'est d'apprendre, d'étudier, de rechercher et d'enseigner le savoir. Le Prophète enjoint aux musulmans d'aller chercher la science jusqu'en Chine si cela s'avère nécessaire. Le texte coranique n'exclut explicitement aucun champ de la connaissance, mais se réfère implicitement à la religion: l'enfant commencera par apprendre ce qu'il doit savoir pour s'acquitter de ses devoirs religieux ('ibada). De ce point de vue, l'éducation n'est pas seulement un moyen destiné à accumuler des connaissances au nom du savoir ou de la science, à s'instruire pour être un bon citoyen, ou encore pour acquérir une profession, un moyen de subsistance, mais c'est d'abord et avant autre toute chose un moyen de parfaire le développement moral et spirituel de la personne.

La quête du savoir (talab ul-'ilm) n'en demeure pas moins un véritable acte de piété pour les fidèles. Dans l'islam, les premiers éducateurs sont les parents, responsables devant Allah de l'éducation de leurs enfants. Le Prophète dit "un parent ne peut rien léguer de mieux à ses enfants qu'une bonne éducation". Mais, dans l'histoire comme de nos jours, des parents, analphabètes par le passé et infra-scolarisés aujourd'hui, sont souvent dépassés dans leurs tâches d'éducateurs, n'ayant que des connaissances, tant religieuses que profanes, fragmentaires. Le recours à des professionnels du savoir et de l'éducation s'est dès lors très rapidement avéré nécessaire dans la société islamique. Ce qui explique, sans doute, qu'au sein de la communauté musulmane, les savants ('ulema) aient, de tout temps, occupé une position sociale élevée. En fait, les sociétés musulmanes réprouvent le savant qui hésite à transmettre son savoir aux autres. L'acquisition du savoir étant un devoir religieux ainsi que nous l'avons présentée, quiconque possède une parcelle de science doit impérativement la transmettre ce qui, d'ailleurs, en préserve la richesse et garantit son accroissement au fil du temps. On peut voir dans cette attitude un précédent de ce qu'aujourd'hui nous appelons "la démocratisation de du savoir et de l'éducation".

Durant sa période mecquoise, le Prophète éduquait et conseillait ses compagnons dans leurs maisons. A l'époque, le lieu le plus courant pour l'éducation des adultes était une maison. La mosquée du Prophète (masjid an-Nabawi) à Médine possédait, à coté de sa salle de prières, un autre local qui s'appelait la suffa. Il s'agissait d'un foyer où se déroulaient également des activités éducatives régulières ou informelles. Dans la mosquée se donnaient des prêches expliquant l'islam et le contenu du message coranique. L'éducation se faisait de manière orale. Rares étaient alors les Arabes qui savaient lire et écrire. Le Prophète Mohammed, lui-même, ne savait sans doute pas lire ni écrire. L'historiographie nous rapporte que le Prophète était entouré de secrétaires, qui transcrivaient ses paroles et actes. Il a cependant pris conscience de l'importance de la transmission du savoir. Après sa première bataille contre les Mecquois, les prisonniers polythéistes lettrés furent libérés pour enseigner l'écriture aux musulmans médinois. Le Prophète Mohammed avait reçu un message représenté par un livre, le Coran. Son étude entraîna rapidement une intense activité éducative. Lire, écrire, calculer, n'avaient à l'origine d'autres buts qu'une meilleure compréhension du texte coranique et l'appréciation des règles pratiques qu'il préconisait. En tant qu'institution éducative, la mosquée fut la première et la plus efficace, qui permit à la société arabe d'accomplir sa transition de l'oralité vers la tradition écrite. Mais elle fut loin d'en être la seule. Passons en revue les institutions éducatives auxquelles les sociétés islamiques, arabe ou non, donnèrent naissance.

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1. Les institutions éducatives avant l'apparition des madrasa


Le kuttab

Dès l'époque prophétique, le kuttab correspondait à nos écoles primaires. Il fournissait une éducation de base et de proximité. Les kuttab se situaient en général dans les annexes des mosquées de quartier. Mais un kuttab pouvait aussi être constitué d'une tente élevée en plein désert. Dans ces écoles rudimentaires les élèves apprenaient à lire, à écrire, à calculer, à nager (dans les localités côtières) et recevaient une instruction religieuse de base (les pratiques rituelles). Cette culture générale fondamentale est appelée 'adab et le maître qui la transmet: mu'addib ou mu'allim. Ces écoles se multiplièrent dès le début de la période omeyyade (661-750): il fallait arabiser les nouvelles provinces au fur et à mesure des conquêtes et les instituteurs suivaient le sillage des armées. La qualité de cet enseignement dépendait fort de la personnalité des instituteurs: la connaissance en matière religieuse n'est pas toujours synonyme de qualités pédagogiques ou de possession d'un savoir étendu dans d'autres domaines. Il n'empêche que les kuttab persisteront à travers les siècles, malgré les bouleversements politiques. Véhicule de l'instruction primaire et des valeurs de l'islam, il y a eu un kuttab omeyyade, abbasside, seldjoukide, ottomane,... Même aux époques coloniale et post-coloniale, dans bien des pays, le kuttab a rivalisé avec la scolarité moderne, calquée sur des modèles occidentaux. On pense qu'il devait avoir environ 40 ou 50 enfants dans la salle de classe. Ils étaient assis sur des matelas ou des tapis formant un demi-cercle autour du maître. C'étaient tous des garçons ou toutes des filles, car la mixité n'était pas dans les usages. Le kuttab est aussi une école coranique. L'arabe littéraire n'était pas connu en général des Arabes ruraux, ni des musulmans non arabes. Or le Coran ne pouvait être enseigné qu'en arabe littéraire (en vertu du dogme de l'inimitabilité). Les écoliers le récitaient donc par coeur, souvent sans le comprendre. Plus tard, mais d'une façon non systématique, on verra des maîtres expliquer le Coran à l'aide des langues locales.

La mosquée

La première fonction des mosquées est, bien sûr, de permettre la pratique du culte. Mais durant l'histoire elles ont également assumé toutes sortes d'autres fonctions notamment dans la formation des enfants et des adultes. La formation des adultes se pratiquait de manière informelle par les causeries des savants de l'époque en visite dans les mosquées. Il existait également une forme d'enseignement plus organisée. Les étudiants qui suivaient régulièrement un tel enseignement s'asseyaient en cercle autour du professeur. Celui-ci développait sa matière ou il faisait lire à haute voix un ouvrage, puis animait une discussion au sujet de la lecture, ou encore il répondait aux questions que celle-ci suscitait. Le nombre d'étudiants d'un professeur variait selon sa notoriété. Les étudiants choisissaient librement leurs professeurs. Ces cours étaient ouverts à tous. Un étudiant pouvait suivre l'enseignement d'un maître jusqu'à plusieurs années de suite. Il n'existait aucune règle à ce niveau. Le seul déterminant était l'intérêt et l'attrait personnel des étudiants, qui choisissaient la durée de leurs études comme ils le souhaitaient. De son côté, le professeur pouvait attribuer une sorte de certificat d'études (ijâza) aux étudiants qu'ils estimait avoir acquis un niveau de connaissances suffisant et satisfaisant. Selon l'usage, les étudiants assidus circulaient d'un professeur à l'autre et ce plusieurs fois de suite. Nous apprenons par les biographies de savants qu'ils passaient tous plusieurs années en compagnie d'un maître, puis allaient suivre l'enseignement d'un autre, dans une autre ville. Ces éducateurs islamiques acceptaient tous unanimement que la meilleure qualité d'un élève était sa mémoire. Il convient de rappeler que la plus haute aspiration des premiers lettrés musulmans était d'apprendre le Coran et, si possible, aussi les hadith (récits se rapportant aux faits et gestes du Prophète) par coeur. Les professeurs n'avaient aucun statut officiel, ni d'obligations envers des autorités de leur pays. En revanche, ils devaient subvenir eux-mêmes à leurs besoins personnels. Parfois, les savants faisaient du commerce pour vivre ou dépendaient de l'aide de leur entourage.

Pour illustrer l'organisation et le contenu de ce type d'enseignement donnons deux exemples: les cours de jurisprudence (fiqh) et les cours de hadith. Le cours de jurisprudence prenait la forme de discussions entre le maître et ses élèves au départ de cas litigieux ou pénaux précis présentés par le professeur. Nous sommes à une époque (le VIIe et le VIIIe siècles) où la jurisprudence islamique commence à prendre forme. Dans ces cours, les étudiants pouvaient exprimer d'autres avis que le maître. Et cela arrivait très souvent. Les livres de droit musulman et de commentaires juridiques, qui datent de cette époque, amènent jusqu'à nous les échos de telles discussions. Dans le développement de ces innombrables débats, nous assisteront à l'émergence des quatre écoles juridiques de l'islam sunnite, qui sont toujours encore en vigueur actuellement: l'école hanéfite, l'école malékite, l'école chaféite, l'école hanbalite. A la même époque, on étudiait par coeur les hadith connus du Prophète. Les maîtres les rassemblaient auprès de personnes âgées, qui les avaient appris de leurs parents ou d'autres personnes ayant éventuellement côtoyé le Prophète ou un de ses compagnons directs. Les professeurs classifiaient les hadith selon la crédibilité qu'ils accordaient à leur rapporteurs. A la manière de la critique historique moderne, ils comparaient les récits et cherchaient à établir des recoupements. Dans les premiers siècles de l'islam, il arrivait régulièrement que se déclarent des gens qui affirmaient connaître des hadith inconnus jusqu'alors. Dans ces cas, le maître et ses élèves n'hésitaient pas à se déplacer sur les lieux de la "découverte" pour étudier le contenu du hadith et vérifier la crédibilité du rapporteur. Ces voyages d'étude étaient célèbres à l'époque. Pensez également aux conditions de transport et de communication en ces temps là!

Les demeures des savants et les librairies

L'enseignement n'avait pas seulement lieu dans les mosquées ou les kuttab, mais encore dans les demeures des 'ulema (savants) ou les boutiques des marchands de papier et de livres (librairies) qui jouèrent un rôle important dans la propagation du savoir. Par ailleurs, les souverains engageaient des savants comme tuteurs à leurs enfants. Mais il arrivait également qu'un souverain invite des savants célèbres à son palais. Le peuple était alors convié à écouter les cours ou les lectures publiques que celui-ci donnait au palais pendant quelques temps. Jusqu'au IXe siècle, le papier, les livres et les bibliothèques étaient rare. Les boutiques des libraires fonctionnaient comme des bibliothèques. Les libraires ne pouvaient pas vivre seulement de le vente de livres. Ils faisaient aussi le commerce d'autres articles. Ils vendaient des livres mais surtout recevaient des voyageurs venus spécialement pour les lire lors d'une halte de quelques jours. Ce tableau ne sera pas complet si on n'y ajoute pas la fameuse université créée à Bagdad par le calife abbasside Al-Mamoun (813-833): la "Maison de la sagesse" (Al-beyt al-hikma), qui sera, entre les IXe et XIe siècles, un haut lieu de liberté d'esprit, de production intellectuelle et de synthèse des sciences hellénique, indienne, perse et arabe.

Durant toute l'histoire du monde musulman l'enseignement se subdivise en deux domaines spécifiques: les sciences religieuses et les sciences profanes, ancêtres des sciences modernes. Les sciences islamiques englobent le tafsir (l'exégèse coranique), le hadith (la tradition prophétique ou la Sunna), le fiqh (le droit islamique) et le kalâm (les dogmes ou la scolastique islamiques). Cependant cette distinction est faite aujourd'hui. Les savants de l'époque ne les distinguaient pas comme nous. Pendant longtemps, l'éducation générale et l'éducation religieuse se sont confondues. L'éducation était d'abord perçue comme une initiation religieuse. Les enseignants travaillaient tous dans les deux domaines à la fois. Ils étaient à la fois savants, pédagogues et hommes de religion: par exemple Avicenne (980-1037) connaissait le Coran par coeur, cela ne l'empêchait pas d'être aussi un grand médecin et un grand philosophe. D'autres étaient mathématiciens et astronomes en même temps qu'hommes de religion. Avant le XIe siècle, l'enseignement était considéré comme un processus individuel. Chacun était libre de suivre le cours qu'il voulait chez le maître qu'il choisissait. Les 'ulema n'étaient pas inféodés à un quelconque pouvoir politique et jouissaient d'une liberté intellectuelle ainsi que d'un prestige social importants. L'indépendance d'esprit était une valeur communément partagée par les grands savant du monde musulman des premiers siècles de l'islam. Cette conception individualisée et adaptée aux rythmes d'apprentissage de chacun n'est pas sans rappeler les expériences pédagogiques actives contemporaines.

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Mehmet Zeki AYDIN
Professeur à la Faculté de Théologie de l'Université de la République à Sivas, Turquie.
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http://rachtok78.skyblog.com
 
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